vendredi 3 décembre 2010

Le profil de l’employeur idéal diffère selon le sexe des étudiants



Des entreprises prisées des femmes peinent à séduire leurs homologues masculins

«Dans quelle entreprise aimeriez-vous travailler?» «Nestlé!» répondent en cœur les étudiants de HEC Genève. Les poids lourds ont la cote: la firme veveysanne partage le podium «des employeurs de rêve» avec la multinationale Procter & Gamble et la banque UBS. Les voix des 205 étudiants en bachelor semblent unanimes. Et pourtant, les résultats varient selon leur sexe.

Nestlé peut s’attendre d’ores et déjà à recevoir davantage de candidatures féminines, révèle l’étude menée cet automne par Michel ­Ferrary, professeur en gestion des ressources humaines à l’Université de Genève. En bref, les femmes préféreront les entreprises de grande consommation, tandis que les hommes postuleront volontiers dans le secteur bancaire, chez UBS, Pictet, Credit Suisse ou Lombard Odier. A titre d’exemple, l’entreprise de cosmétique L’Oréal, top 3 des étudiantes, avec 17,2% des intentions féminines, ne récolte que 1,4% de voix masculines.

Les clichés ont la vie dure? Certains étudiants se disent eux-mêmes surpris par ces résultats. Mais la tendance se concrétise bel et bien dans les entreprises concernées: Credit Suisse compte 37,5% de femmes dans ses effectifs, alors que L’Oréal en dénombre 61,5%, selon des chiffres récoltés par le professeur de l’Université de Genève. «Cette étude montre qu’il est plus facile de respecter des quotas quand on s’appelle L’Oréal plutôt qu’Arcelor (ndlr: groupe sidérurgique européen), souligne Michel Ferrary. Il faut admettre que ce n’est pas toujours une question de discrimination mais également de préférences professionnelles différentes selon les sexes. Il y a de nombreuses entreprises industrielles, comme Thales, Alstom ou Renault, qui rêveraient d’embaucher des femmes mais pour lesquelles seule une minorité de diplômées de l’enseignement supérieur souhaite travailler.»

Certes. Mais que peut faire une entreprise pour attirer davantage de candidatures féminines? Ou séduire des hommes si elle s’appelle L’Oréal? Pour être plus attractive auprès de la gent masculine, «il faut parler challenge, défi, progression et team!» résume Patrick Debray, directeur de la société de conseils DMD & Partenaires. Pour Françoise Vonmoos Jamolli, également consultante en ressources humaines, il s’agit de mettre en avant la diversité des métiers au sein de l’entreprise et les possibilités de carrière, plutôt que les produits. Une approche adoptée justement par le leader de la cosmétique. «Nous insistons sur la variété de nos postes: la recherche, la logistique, l’industrie, la gestion…, et pas uniquement le marketing», insiste Bérénice Goradesky, directrice des ressources humaines chez L’Oréal Suisse. «Une équipe composée de différents corps de métier se rend par exemple sur les campus pour présenter cette diversité. Nous avons développé aussi des jeux de recrutement en ligne qui présentent le panel des carrières.» Ces business games, dont les derniers s’appellent Reveal et I-Strat, ont été présentés dans les écoles de commerce et de gestion mais aussi dans les écoles d’ingénieurs, à prédominance masculine.

Tout repose sur la «marque d’employeur», rappelle Patrick Debray. «Les préférences affichées par les étudiants correspondent en effet à l’image que donnent ces entreprises de manière générale. Les banques par exemple devraient améliorer leur «marque d’employeur» auprès des femmes. C’est une question de graphisme, de vocabulaire, etc. Ces établissements déploient une communication très aboutie pour leurs clients, mettant en avant le bien-être, la famille et la confiance. Elles devraient transposer ce type de communication au recrutement.»

Bien évidemment, toutes les entreprises interrogées se disent sensibles à la question. Le Credit Suisse évoque, par exemple, ses programmes de mentoring ou ses Women’s Forum pour promouvoir l’accession des femmes à des postes à responsabilité et, indirectement, se rendre plus attractif auprès des candidates. Certaines firmes, comme Procter & Gamble, atteignent presque la parité. Mais malgré le tropisme féminin affiché dans l’étude de l’Université de Genève, la multinationale peine à recruter des femmes dans certains secteurs, notamment dans la finance.

Un problème de préférence individuelle? Pour le professeur Michel Ferrary, on n’échappe pas à une bipolarisation sexuelle de l’économie. Le luxe, la communication et la grande consommation ne cessent de se féminiser en France, avance le spécialiste. «Il y a encore des cadres masculins dans ces entreprises, mais ce sont les plus anciens car seuls les hommes fréquentaient les écoles de commerce à l’époque où ils ont été recrutés. Mais lorsqu’ils s’en iront à la retraite, la proportion de femmes va encore grimper car les recrutements récents sont essentiellement féminins. Ainsi, chez LVMH, les femmes représentent déjà 60% des cadres et 57% chez Hermès. Dans 20 ans, on risque de devoir instaurer des quotas d’hommes dans ces entreprises!» Rien de tel n’est prévu, pour l’instant, chez LVMH, qui souhaite encore augmenter le pourcentage de femmes dans des postes de direction.

Source: LeTemps.ch

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire