vendredi 17 décembre 2010

Et si les hommes cachaient eux aussi leurs seins à la piscine ? (Rue 89)


Lorsque j'ai appris que les Tumultueuses, ce groupe de féministes qui nagent seins nus dans les piscines, planifiaient mercredi soir une nouvelle action dans une piscine parisienne, j'ai voulu voir par moi-même la réaction des nageurs, nageuses, surveillants et policiers devant ces seins qu'on ne saurait voir.

Rendez-vous est pris dans un bar proche de la piscine visée pour communiquer le plan de bataille. Une quinzaine de filles et quelques hommes seront de la partie pour cette action d'un genre nouveau : au lieu d'entrer dans la piscine et d'enlever directement le haut pour nager seins nus parmi les autres nageurs et nageuses, les Tumultueuses, armées de hauts de bikinis, vont cette fois interpeller les nageurs pour leur signaler « qu'ils ont oublié de mettre leur haut », arguant que « c'est indécent d'exhiber ainsi leurs seins ».

Un minuscule haut de bikini ou une brassière taille maousse

Les actions précédentes s'étaient terminées deux fois sur quatre par l'arrivée de la police. « Mais cette fois-ci, je ne pense pas que la police viendra », me dit l'une d'elles, « parce qu'on ne commencera pas par être seins nus ». Prenons les paris, donc.

Une fois les Tumultueuses entrées, les premiers hommes apostrophés réagissent très positivement. « C'est normal, vous avez raison, je suis d'accord avec vous ». Et ces nageurs d'enfiler qui un haut de bikini triangulaire minuscule, qui une brassière taille maousse. Quelques-uns argumenteront que « ah non, pour être à égalité, c'est à vous d'enlever les vôtres ». C'est pas faux.

Il fallait donc voir la moitié des nageurs de cette piscine, retournant à leur entraînement comme si de rien était, enchaîner les longueurs en deux-pièces. « En fait, je me sens beaucoup plus sexy avec que sans », me dira l'un d'eux.

« Mettez-vous à poil tant que vous y êtes, c'est dégueulasse »

La suite est moins drôle. Quand la porte-parole du groupe commence à lire son discours au mégaphone, troublant cette fois la quiétude du lieu (jusque-là l'ambiance était très tranquille), l'un des deux maîtres nageurs s'énerve franchement et la poursuit autour du bassin, poussant légèrement celles et ceux qui voulaient lui barrer la route.

Le mégaphone est confisqué, le groupe refuse de s'en aller sans l'avoir récupéré, et la discussion s'échauffe quelque peu… Le maître nageur finit par appeler la police pour que les militantes « s'expliquent », tout en trouvant leurs seins nus « ridicules ». « Ben mettez-vous à poil tant que vous y êtes, c'est dégueulasse. »

Le temps de distribuer quelques tracts, et voilà qu'arrivent les forces de l'ordre, qui n'auront pas pris le temps d'enlever leurs belles rangers noires avant de fouler les abords du bassin (à quand une police des piscines équipée de rangers-tongs ? ).

Les agents, dont je salue au passage le sang froid, calment le jeu, s'enquièrent du pourquoi du comment de ces revendications et si le débat se heurte rapidement à un mur (« Les seins, c'est de l'exhibition sexuelle, c'est la loi »), les policiers se rendent compte que le plus énervé, c'est le maître nageur, et lui font rendre illico le mégaphone à son propriétaire (« Monsieur, c'est du vol ce que vous avez fait, c'est trois ans de prison »).

Montrer ses seins, de l'exhibition sexuelle ? Une interprétation

A la sortie de la piscine, les agents relèvent quelques identités (« Parce qu'on est obligés de relever les identités quand on se déplace en mission, mais il ne vous arrivera rien ») et tout le monde peut quitter les lieux.

« Tu vois, c'était pas un canular finalement », dit l'un d'eux à son collègue. « Non, je savais bien que c'était une mission pour notre collègue R., on aurait dû l'envoyer, il se serait noyé en voyant ça, y avait du 85 A au 110 D ».

Le débat sur la loi reste entier, car celle-ci dit :

« L'exhibition sexuelle imposée à la vue d'autrui dans un lieu accessible aux regards du public est punie d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende. »

Dire que les seins sont sexuels relève donc de l'interprétation.

Conclusion : les nageurs sont ouverts d'esprit, les flics sont zen et rétablissent le calme, et les profs d'aquagym trouvent les seins ridicules. Et il est plus facile de mettre sous contrôle les seins des hommes que de libérer ceux des femmes.

Source: Rue89

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